Pour bien comprendre la colonisation irlandaise, nous devons d’abord comprendre le contexte dans lequel ils sont arrivés et ont obtenu des terres pour y vivre.
Le territoire était contrôlé par les Sulpiciens, une société française de prêtres diocésains, souvent considérés comme des élites riches et instruites, des universitaires et des missionnaires. Contrairement à d’autres institutions religieuses de l’époque (comme les Jésuites), les Sulpiciens n’ont jamais prononcé de vœux de pauvreté. Ils étaient avant tout des propriétaires terriens puissants et influents. Ils détinrent l’île de Montréal pendant près de 200 ans (1663 à 1854) en plus de la seigneurie qu’ils administraient au Lac-des-Deux-Montagnes et de la seigneurie de Saint-Sulpice.
Entre 1821 et 1829, des immigrants irlandais et britanniques s’installent dans la Seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes dans le cadre de l’initiative de la monarchie britannique visant à peupler la région. Ils s’établirent au nord-ouest de la Seigneurie, dans ce qui sera plus tard connu sous le nom de Saint-Colomban. À l’époque, la Rivière-du-Nord constituait une zone tampon naturelle entre les établissements anglophones et francophones.
La vitesse à laquelle Saint-Colomban s’est formé a été remarquable : 28 000 acres ont été alloués en dix ans, de 1820 à 1829. Cette étendue équivaut à peu près à 21 200 terrains de football et est légèrement plus grande que la municipalité actuelle d’Oka.
Cependant, les terres accordées à ces nouveaux arrivants n’étaient pas légitimement disponibles pour l’installation. Les Mohawks de Kanehsatà:ke avaient conclu un accord avec les prêtres sulpiciens, officialisé par la ceinture wampum à deux chiens, qui fut présentée aux autorités britanniques après la conquête en 1763 pour assurer la protection de leurs terres contre les empiètements. Les Britanniques trahirent cet accord et reconnurent les prêtres sulpiciens comme les seuls propriétaires de la terre. Étant donné que les droits et le titre fonciers des Mohawks de Kanehsatà:ke n’étaient pas officiellement reconnus, ils dépendaient des Sulpiciens pour détenir les terres en leur nom en fiducie. Cependant, les Sulpiciens ont violé l’accord des Two Dog Wampum et ont vendu 98 % des terres aux colons, y compris aux immigrants irlandais nouvellement arrivés.
La candidate au doctorat Léa Denieul Pinsky de l’Université Concordia a créé une carte interactive en ligne * qui explore l’histoire du colonialisme de peuplement dans la Seigneurie des Deux-Montagnes. Ce territoire comprend les municipalités actuelles d’Oka, Pointe-Calumet, Saint-Placide, Saint-Joseph-du-Lac, Mirabel, Saint-Eustache, Saint-Benoit, Saint-Jérôme et Saint-Colomban. Olivier Hubert (professeur d’histoire à l’Université de Montréal), définit le « colonialisme de peuplement » comme « la permanence du peuplement sur le territoire et le remplacement des populations autochtones par des populations de colons ». La carte illustre de manière frappante à quoi ressemble le colonialisme de peuplement à travers le morcellement et l’attribution systématiques des terres aux colons au détriment des peuples autochtones qui vivaient et utilisaient la terre de diverses manières. Le projet a récemment reçu le prix David Woodward de la meilleure carte numérique et a été rendu possible grâce au soutien financier du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC).
N’hésitez pas à l’explorer !*”
* Remarque : la carte ne fonctionne pas sur un appareil mobile pour le moment. Il est préférable de la visionner sur un ordinateur de bureau ou un appareil à écran plus grand.
